Wavebird 7 octobre 2009 Partager 7 octobre 2009 Qu'il est bon de voir qu'on peut être ivrogne professionnel et quand même accomplir des oeuvres exceptionnelles! Moi qui trouve habituellement la poésie du moyen-âge un peu fade, j'ai vraiment de quoi me réjouir chez ce poète maudit avant le temps. Né en 1431, François Villon, universitaire parisien iconoclaste, a étrangement eu le temps d'écrire plusieurs poèmes marquants malgré de nombreuses frasques. Il est arrêté pour tentative de meurtre, pour plusieurs larcins et pour de récidives multiples mais il réussira toujours à se faufiler entre palais de justice et palais royaux. Protégé pendant une courte période par Charles d'Orléans, grand-oncle de François 1er, notre poète a rapidement du essuyer des accusations d'arrivisme et se sauver de taverne en taverne dans la vallée de la Loire. Il disparaît totalement en 1463 dans le plus grand mystère. Balade des Dames du temps jadis chantée et mise en musique par George Brassens: http://www.youtube.com/watch?v=H6rFgcx84-c&feature=related Épitaphe de Villon ou Ballade des pendus: Frères humains qui après nous vivez N'ayez les cuers contre nous endurciz, Car, se pitié de nous pauvres avez, Dieu en aura plus tost de vous merciz. Vous nous voyez cy attachez cinq, six Quant de la chair, que trop avons nourrie, Elle est pieça devoree et pourrie, Et nous les os, devenons cendre et pouldre. De nostre mal personne ne s'en rie : Mais priez Dieu que tous nous veuille absouldre! Se frères vous clamons, pas n'en devez Avoir desdain, quoy que fusmes occiz Par justice. Toutesfois, vous savez Que tous hommes n'ont pas le sens rassiz; Excusez nous, puis que sommes transis, Envers le filz de la Vierge Marie, Que sa grâce ne soit pour nous tarie, Nous préservant de l'infernale fouldre. Nous sommes mors, ame ne nous harie; Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre! La pluye nous a débuez et lavez, Et le soleil desséchez et noirciz: Pies, corbeaulx nous ont les yeulx cavez Et arraché la barbe et les sourciz. Jamais nul temps nous ne sommes assis; Puis ça, puis la, comme le vent varie, A son plaisir sans cesser nous charie, Plus becquetez d'oiseaulx que dez à couldre. Ne soyez donc de nostre confrarie; Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre! Prince Jhesus, qui sur tous a maistrie, Garde qu'Enfer n'ait de nous seigneurie : A luy n'avons que faire ne que souldre. Hommes, icy n'a point de mocquerie; Mais priez Dieu que tous nous vueille absouldre. Extraits du Lais ou premier testament de Villon: I Mil quatre cens cinquante six, Je, Françoy Villon, escollier, Considerant, de sens rassis, Le frain aux dens, franc au collier, Qu'on doit ses euvres conseillier, Comme Vegece le racompte, Sage Rommain, grant conseillier, Ou autrement on se mescompte... II En ce temps que j'ay dit devant, Sur Noël, morte saison, Que les loups se vivent du vent Et qu'on se tient en sa maison, pour le frimas, pres du tyson, Me vint un vouloir de briser La tres amoureuse prison Qui faisoit mon coeur débriser. [...] VIII Et puys que departir me fault Et du retour ne suis certain (Je ne suis homme sans deffault, Ne qu'aultre d'assier ne d'estain; Vivre aux humains est incertain Et aprés mort n'y a relaiz) – Je m'en vois en pays lointain –, Si establit ce present laiz. [Multiples legs] XXV Item, je laissë, en pitié A trois petis enffans tous nudz Nommés en ce present traictié, – Povres orphelins impourveuz, Tous deschaussez, tous despourveuz, Et desnuez comme le ver (J'ordonne qu'ilz seront pourveuz, Au moins pour passer cest yver) –, XXVI Premierement, Colin Laurens, Girard Gossouïn, Jehan Marceau, Desprins de biens et de parens, Qui n'ont vaillant l'anse d'un seau, Chascun de mes biens ung fesseau Ou quatre blans, s'ilz l'aiment mieulx; Ilz mengeront maint bon morceau, Les enffans, quand je seray vieulx. XXVII Item, ma nominacïon, Que j'ay de l'Université, Laisse par resignacïon, Pour seclurre d'aversité Povres clers de cest cité Soubz cest intendit contenus; Charité m'y a incité Et Nature, les voyans nudz. XXVIII C'est maistre Guillaume Cottin Et maistre Thibault de Vittry, Deux povres clers parlans latin, Humbles, biens chantans au lectry, Paisibles enffans sans estry: Je leur laisse sans recevoir Sur la maison Guillot Gueutry, En attendant de mieulx avoir. XXIX Item, et j'adjoinctz a la crosse Celle de la rue Saint Anthoine, Ou ung billart de quoy on crosse, Et tous les jours plain pot de Seine Aux pigons qui sont en l'essoyne, Ensserés soubz trappe voliere, Mon miroüer bel et ydoyne Et la grace de la geolliere. XXX Item, je laisse aux hospitaux Mes chassis tissus d'arignie, Et aux gisans soubz les estaulx, Chascun sur l'eul une grognee, Trambler a chiere renfrongnee, Megres, velus et morfondus, Chausses courts, robe rongnee, Gelez, murdriz et enfondus. XXXI Item, je laisse a mon barbier Les rongnures de mes cheveux, Plainement et sans destourbier; Au savetier mes souliers vieulx, Et au freppier mes habitz tieulx Que quant du tout je les delaisse; Pour mains qu'ilz ne cousterent neufz Charitablement je leur laisse. XXXII Item, je laisse aux Mendïans, Aux Filles Dieu et aux Beguines, Savoureux morceaulx et fryans, Chappons, flaons, grasses gelines, Et puis prescher les .XV. signes Et abatre pain a deux mains. Carmes chevauchent noz voisines, Mais cela, ce n'est que du mains. XXXIII Item, laisse le Mortier d'or A Jehan, l'espicier, de la Garde, Une potence de sainct Mor, Pour faire ung broyer a moustarde. Et celluy qui fist l'avantgarde Pour faire sur moy griefz exploiz: De par moy, saint Anthoine l'arde! – Je ne luy feray autre laiz. XXXIV Item, je lesse a Mirebeuf Et a Nicolas de Louviers, A chacun l'escaille d'un œuf Plaine de francs et d'escus vieulx. Quant au concierge de Gouvieulx, Pierre de Rousseville, ordonne, Pour le donner entendre mieulx, Escus telz que le Prince donne. XXXV Finablement, en escripvant, Ce soir, seulet, estant en bonne, Dictant ces laiz et descripvant, J'ouys la cloche de Serbonne, Qui tous jours a neuf heures sonne Le salut que l'ange predit; Si suspendis et mis en bonne Pour prier comme le cueur dit. XXXVI Ce faisant, je m'entroubliay, Non pas par force de vin boire, Mon esperit comme lÿé. Lors je sentis dame Memoire Reprendre et mectre en son aulmoire Ses especes colaterales, Oppinative faulse et voire Et autres intellectualles, XXXVII Et meismement l'estimative, Par quoy prospective nous vient, Simulative, formative, Desquelles souvent il advient Que, par leur trouble, homme devient Fol et lunatique par moys; Je l'ay leu, se bien m'en souvient, En Aristote aucunesfois. XXXVIII Dont le sensitif s'esvailla Et esvertua Fantaisie, Qui les organes resveilla, Et tint la souveraine partie En suspens et comme mortie Par oppressïon d'oubliance, Qui en moy s'estoit espartie Pour monstrer de Sens la lïance. XXXIX Puis que mon sens fut a repos Et l'entendement desmellé, Je cuiday finer mon propos, Mais mon ancrë trouvay gelé Et mon cierge trouvay soufflé; De feu je n'eusse peu finer, Si m'endormis, tout enmouflé, Et ne peuz autrement finer. XL Fait au temps de ladite datte Par le bien renommé Villon, Qui ne mengue figue ne datte, Sec et noir comme escouvillon; Il n'a tente ne pavillon Qu'il n'ait lessié a ses amis, Et n'a mais q'un peu de billon Qui sera tantost a fin mis. Des traductions en français moderne existent sur wikipedia et wikisource. 1 Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites More sharing options...
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