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Les préjugés récurrents à l’égard de l’immigration


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Jean Baubérot (2014) expose le caractère récurrent des préjugés à l’égard des immigrants en France

 

Citation

 

38 S’il passe sous silence que l’Empire français a fonctionné avec d’autres règles que la République laïque, l’historique du HCI consacre une dizaine de lignes à l’immigration des « Polonais, Italiens, Espagnols et Portugais ». Leur « différence religieuse » est moindre que « leurs différences ethniques », est-il affirmé, et ces dernières sont « rapidement dépassées par la scolarité obligatoire qui étend la notion d’égalité des droits aux origines elles-mêmes ».

39 Là encore, le propos est idyllique. Si « l’école [contribue] ardemment à l’assimilation des nouveaux arrivants », des réactions de rejet sont récurrentes, même si elles ne sont pas le fait de tous les Français. Or des mémoires légendaires actuelles prétendent que l’intégration des migrants européens n’aurait pas véritablement posé de problèmes, précisément à cause de leur origine religieuse. L’historique du HCI masque de graves difficultés en mettant en avant l’exemple de deux Français, issus de l’immigration italienne, devenus présidents du Conseil : Gambetta et Viviani. Deux arbres ne doivent pas cacher la forêt : Patrick Weil montre que des discriminations récurrentes ont existé envers les immigrés  [34][34]P. WEIL, Liberté, Égalité, Discriminations. L’Identité…. Mais le HCI de 2007 ne veut pas retenir cette part d’ombre de l’histoire de France. Il y a pourtant eu des drames, et Gérard Noiriel a rappelé récemment le massacre des travailleurs migrants italiens à Aigues-Mortes en août 1893  [35][35]G. NOIRIEL, Le Massacre des Italiens. Aigues-Mortes, 17 août….

40 Différence de religion ou pas, les accusations portées à l’encontre des migrants se ressemblent, même si leur contenu change. Citons, avec Ralph Schor  [36][36]Voir la thèse, peu connue, de R. SCHOR, L’Opinion française et…, quelques-uns des clichés qui circulent dans les années 1920 : les migrants de plusieurs pays représenteraient un « péril étranger » ; la main-d’œuvre allemande fourmillerait d’espions ; les émigrés de Russie seraient des fainéants qui auraient dilapidé des fortunes gagnées sur le dos du prolétariat, ou des agents bolcheviques, c’est selon ; les Polonais refuseraient toute assimilation ; les Américains importeraient de la musique de sauvages (le jazz) ; les couturiers étrangers encourageraient la « femme française à l’indécence ». La liste est longue. Et la crainte est grande que la France « ne [perde] ses richesses matérielles et son identité culturelle », qu’elle ne mette sa « personnalité morale en péril ».

41 Dans les années 1920, comme d’ailleurs aujourd’hui, on exploitait la peur. « Tout étranger, quelle que fût sa nationalité, était jugé dangereux : le travailleur immigré qui concurrençait les ouvriers français, les démobilisés, les chômeurs ; le capitaliste allogène qui lésait les intérêts des industriels, des commerçants et qui accaparait les richesses nationales […] ; le délinquant qui minait la société française […] ; le “métèque” que fustigeait l’extrême droite. » Et, face à cela, une gauche « peu unie ». Malgré leur tradition internationaliste, socialistes et communistes ne voulaient pas « choquer leurs troupes qu’influençait le climat général ; gênés parfois, ils ne pouvaient avouer qu’ils étaient eux-mêmes contaminés. Ils laissèrent ainsi leurs adversaires les plus vociférants occuper le terrain  [37][37]Ibid., p.89 sq. ». Syndicats et associations se montrèrent souvent plus vigilants, quitte à subir eux aussi la suspicion et la calomnie.

42 J’ai volontairement choisi d’évoquer les années 1920 car on se figure parfois à tort cette période comme relativement tranquille, encore épargnée par la xénophobie qui se renforcera ensuite avec la crise économique, l’arrivée de réfugiés espagnols et de juifs allemands. Il faut rappeler, cependant, à quel point les lois antijuives de Vichy se sont inscrites dans un climat où l’argumentaire antisémite, qui avait faibli les décennies précédentes, s’était déjà nettement revigoré. Ralph Schor montre que l’antisémitisme prend alors des visages très divers  [38][38]Voir R. SCHOR, L’Antisémitisme en France dans…. Certains reprennent le vieux slogan de Drumont : « La France aux Français ! » Ainsi, Joseph Santo écrit : « Nous en avons assez d’être domestiqués, colonisés, volés, trahis et salis par tous les youpins des bas-fonds des ghettos de l’Europe… La France aux Français d’abord  [39][39]R SCHOR, ibid., p. 59. ! » D’autres, comme Charles Maurras, insistent sur le fait que la biologie n’a pas à entrer en ligne de compte et veulent distinguer antisémitisme et racisme  [40][40]Ibid., p. 76.. Souvent, les antisémites cherchent à convaincre en présentant une argumentation « apparemment dépassionnée », s’affirmant au départ « compréhensifs et bien disposés à l’égard des juifs ». Leurs positions semblent « mesurées », « exemptes de fanatisme » accumulant les exemples, utilisant aussi parfois la dérision pour montrer que « les israélites n’appartenaient pas à la communauté nationale  [41][41]Ibid., p.51 sq. ». Cela vous évoque peut-être quelque chose !

 

Plus ça change, plus c’est pareil quoi. 

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Ma grand-mère disait toujours qu’il ne fallait pas être méchant avec les arabes parce que nous aussi on avait subi du racisme en arrivant en France, et que c’était plus dur pour eux parce que plus visible. Puis, ils ont commencé à s’installer dans sa rue. Sur la fin, elle disait juste : « Oh, y’en a quand même des biens ».

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Le 2024-08-18 à 05:19, Daleko a dit :

Ma grand-mère disait toujours qu’il ne fallait pas être méchant avec les arabes parce que nous aussi on avait subi du racisme en arrivant en France, et que c’était plus dur pour eux parce que plus visible. Puis, ils ont commencé à s’installer dans sa rue. Sur la fin, elle disait juste : « Oh, y’en a quand même des biens ».

c'est qui ''ils''? 

 

Les arabes sont-ils une masse informe pensant et agissant comme des drones? Rappelons-nous que l'Ukraine collaborait allégrement avec les Nazi, est-ce que les ukrainiens sont tous des Nazi? 

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il y a une heure, Paladin.e a dit :

c'est qui ''ils''? 

 

Les arabes sont-ils une masse informe pensant et agissant comme des drones? Rappelons-nous que l'Ukraine collaborait allégrement avec les Nazi, est-ce que les ukrainiens sont tous des Nazi? 

Pis encore là, même cette collaboration mérite davantage d'attention. Comme le fait que "les arabes" (les musulmans) soient sensibles à des discours intégristes doit être mis en contexte. Les ukrainiens, désespérés du joug soviétique, pensaient se libérer de celui-ci en s'alliant avec les allemands : rien à voir avec leur rapport aux minorités. Alors qu'aujourd'hui, avec le communisme effondré, quelle autre alternative pour critiquer l'ordre établi? Bon, y a ben ceux qu'on dit "woke" qui tentent de le faire aussi, mais la dialectique étant ce qu'elle est, ils se font absorber par le monstre doux, l'ultracapitalisme. Arc-en-ciels partout en témoignent. Y a de quoi mettre du bois dans le feu des intégristes. 

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