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The Act of killing


1984
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Dans The Act of Killing, le tueur Anwar Congo rejoue les massacres des communistes qu’il a lui-même dirigés en 1965 et en 1966 sur l’île de Sumatra. Ce film a bouleversé les spectateurs du Festival du cinéma de Toronto. Pourra-t-il changer la vision que les Indonésiens ont de ces années noires de leur histoire ?

Six mois avant l’interdiction officielle du parti communiste indonésien (PKI) en 1965, des centaines de milliers d’Indonésiens avaient déjà été assassinés, accusés d’être des sympathisants du PKI. En moins d’un an, le nombre de victimes approchait le million.



La souffrance des familles de ces victimes dure depuis lors. Ce qui reste obscur, c’est la manière dont ces massacres de 1965 et 1966 ont été perçus par ceux qui les ont commis. Et où et comment vivent aujourd’hui ces tueurs. Pour la première fois depuis ces événements, ceux-ci apparaissent sur grand écran en tant qu’acteurs principaux d’un long-métrage dans lequel ils se mettent en scène. The Act of Killing [L’acte de tuer] lève le voile sur les témoignages francs et détaillés d’un certain nombre de mafieux qui ont dirigé le massacre de plus de 10 000 personnes prétendument communistes à Sumatera Utara [province au nord de Sumatra]. Ces tueurs témoignent librement, en racontant des histoires, en mimant des scènes, en riant, chantant et dansant.



The Act of Killing raconte notamment la vie d’Anwar Congo, un mafieux de Medan qui est devenu l’assassin principal des membres du Parti communiste de cette ville en 1965 et en 1966. Les spectateurs assistent, effarés, à la manière dont Anwar raconte sa cruauté sans fard ni état d’âme. La rencontre entre le réalisateur américain, Joshua Oppenheimer, et Anwar Congo résulte du travail précédent mené par le documentariste lors de son premier voyage à Sumatra en 2001. A cette époque, il tournait un documentaire sur les ouvriers des plantations de palmiers à huile dans la région de Matapao [dans le nord de l’île de Sumatra]. “Je voulais montrer les problèmes de ces ouvriers ainsi que leurs difficultés à former un syndicat d’ouvriers”, explique Oppenheimer.



Pendant le tournage, il apprend une chose étonnante : ces ouvriers vivent aux côtés des hommes qui ont assassiné de nombreux travailleurs du Parti communiste indonésien en 1965 et en 1966. “Leurs voisins étaient des bouchers qui avaient tué leur père, leur oncle”, précise Oppenheimer. Un jour, le réalisateur trouve l’occasion de discuter avec un de ces tueurs qui lui raconte, dans les moindres détails, comment il a liquidé un membre du syndicat ouvrier affilié au Parti communiste. “Imaginez un peu, il a raconté cet acte effroyable devant sa petite-fille âgée de neuf ans”, explique Oppenheimer sidéré par le franc-parler de ce tueur. 



Le “bataillon des grenouilles”, un groupe de tueurs


Après avoir terminé son documentaire, il rentre en Angleterre, mais décide de revenir à Sumatra pour tourner un film sur ces tueurs. En 2005, Oppenheimer fait la connaissance d’Anwar Congo. Anwar est connu comme le mafieux des cinémas, car autrefois il régnait sur le marché noir des tickets de tous les cinémas de Medan. Durant son enquête, le réalisateur découvre que les membres des bataillons de tueurs de Medan en 1965 étaient recrutés pour la plupart parmi les mafieux des cinémas, tout simplement parce qu’ils haïssaient les communistes, qui appelaient au boycott des films américains très en vogue à l’époque à Medan.



Il y avait même un fan-club de James Dean, avec de nombreux membres qui s’habillaient comme l’acteur américain. Le boycott des films américains signifiait une chute des revenus pour les mafieux des salles obscures. Oppenheimer fait aussi la connaissance d’Adi Zulkadry, un compagnon de débauche d’Anwar depuis l’adolescence. Adi, Anwar et d’autres compères ont procédé aux arrestations, enlèvements, interrogatoires, tortures, assassinats des communistes de Medan, et ont été jusqu’à l’élimination des corps de leurs victimes. Ils formaient ensemble le “bataillon des grenouilles”, un célèbre groupe de tueurs qui semait la terreur.



Oppenheimer a choisi un procédé courageux de mise en scène. Les tueurs de 1965 ne sont pas juste une source narrative ni des objets devant la caméra comme dans la plupart des films sur cette thématique. Le réalisateur les invite à s’impliquer directement dans la réalisation même du film, à inventer eux-mêmes le scénario au jour le jour, mélange de réalité et de fiction, basé sur leurs souvenirs, leur imaginaire, leurs chimères et leurs commentaires d’aujourd’hui sur les atrocités dont ils ont été les auteurs dans le passé. Cette méthode n’est pas une simple lubie d’artiste, Oppenheimer l’a éprouvée avec son œuvre précédente, The Globalisation Tapes, son film sur les ouvriers agricoles dans les plantations de Sumatra.

http://www.courrierinternational.com/article/2012/10/05/indonesie-un-film-ou-les-tueurs-mettent-en-scene-leurs-crimes

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