c'est pas la première fois qu'un éboueur présume que j'aurais un penchant alcoolique, lol. Au contraire, je vis très raisonnablement en ce qui concerne l'alcool. Si j'aime pousser mes limites avec les Russes, c'est que mon chum est là et je me sais en sécurité, ce qui n'est pas le cas dans les autres contextes de fêtes dans lesquels je peux me retrouver. Je ne me laisse jamais aller au point de perdre le contrôle autrement, ma conscience me fait arrêter avant.
En ce qui concerne si toutes les beuveries seraient pareilles... tu me fais sourire. Quand on pense à la place de la consommation d'alcool dans la culture russe, je crois que ça fait presque partie intégrante de l'identité russe. Attention : notions de religiologie 101. Une beuverie peut être comprise comme une forme de rituel. De tous temps, les humains se sont réunis de façon ponctuelle pour s'engager dans des comportements qu'on peut qualifier de "sacrés", dans le sens durkheimien de la dichotomie sacré-profane : le profane est la vie banale du genre métro-boulot-dodo, alors que le sacré est cette source numineuse de vie dont on ne peut s'abreuver que ponctuellement, car on ne peut y passer notre vie, mais sans elle, on ne saurait vivre. La soupe dans laquelle est tombée Obélix est un exemple : elle aurait pu le tuer, mais il a survécut et en a plutôt retiré des pouvoirs magiques. Selon la théorie de Durkheim, le rôle de la religion serait de gérer ce délicat équilibre entre la vie profane, et le sacré qui est normalement interdit (dans la vie profane); grâce aux rituels qu'elle institue, elle permet ponctuellement aux membres de la communauté de "s'y saucer", d'en ressortir revigorés, prêt à endurer cette câlisse de vie drabe profane. Beaucoup en ont fait l'expérience pendant la pandémie, d'une vie confinée au profane (no pun intended) où l'accès aux sources de sacré (les rituels sécularisés que sont les repas partagés et la fête) est coupé : on peut en tomber malade, même en mourir. Le contraire est vrai; observez bien, aujourd'hui, alors que les interdits sont levés avec la disparition des religions instituées, comment il est possible pour des individus de plonger dans la soupe et d'en mourir. La gestion du sacré et du profane est remise sur les épaules individuelles, épaules qui ne sont pas toutes agrémentées d'une tête formée pour savoir le faire.
Or, les rituels sont chargés de symboles propres aux différentes cultures qui les accomplit : le mariage est une institution presque universelle, mais elle s'exprime différemment selon les endroits. Même si la sécularisation et la mondialisation entraîne une homogénéisation qui efface peu à peu les particularités locales dans l'expression de ces rituels, les différences persistent toujours et peuvent encore nous enseigner les particularités d'une culture. Prenons par exemple la "beuverie à la russe". Savais-tu qu'il y a, comme dans tout rituel sacré, des gestes précis à accomplir? Prend la vodka par exemple. Bien-sûr, aujourd'hui on peut en acheter n'importe où, mais dans le cas des Russes, c'est très culturel pour eux. Ils ne feront jamais ce qu'ils font avec d'autre alcool (bien sûr qu'ils boivent autre chose, comme de la bière et du vin, mais dans leurs beuveries, il y aura toujours de la vodka, et ce que je m'apprête à te décrire ne s'applique qu'à elle). Et quand ils boivent de la vodka, il y a une séquence de gestes précis, que l'on m'a enseignée et que je vais vous relater. Premièrement, on lève son petit verre de shooter une fois remplit, mais après la consécration verbale usuelle du moment ("à nous"/à "tel événement"/"santé"), on ne boit pas tout de suite : on doit expirer l'air de nos poumons. Ensuite, on boit d'un coup, mais on n'inspire pas tout simplement après, oh non! Il faut s'empresser de prendre un morceau de nourriture (ou n'importe quoi, comme notre bouffon l'a fait pour rire, avec la tête de son voisin), le plus souvent un morceau de pain noir, de gras de porc, ou un cornichon, et on en prend une bonne sniffée! On peut le manger tout de suite après. Quand on y pense, il y a une certaine fonction à ces gestes : on peut boire plus longtemps si on mange en même temps qu'on boit. Il faut dire aussi qu'il était commun, dans la culture russe (qui se perd dans les grandes villes, mais qu'on retrouve encore dans le fin fond des campagnes russes) de faire son propre alcool. Évidemment, ça goûte fort, et ne pas respirer pendant qu'on boit aide sûrement à mieux faire passer le liquide brûlant aussi. Bref. Tu vois, une "beuverie à la russe" a ses particularités, comme certainement la plupart des beuveries entre gens qui résistent à l'homogénéisation de leurs rituels (sécularisés ou non).
Faut dire que le complexe d'infériorité est plus présent chez les Québécois que les Russes, à mon avis, ça pourrait être plus incompréhensible pour un des premiers qu'un des deuxièmes. Mon chum est très fier de sa culture, il tient à la préserver et il est trop content que je m'intéresse à elle. En retour, il consomme de la culture québécoise que je lui fais découvrir, et nous nous plaisons beaucoup dans cet échange culturel. :)
Ça, c'est du fétichisme ethnique. Je connais bien, ayant fait partie d'un cercle de fans de culture japonaise. Je connais des filles qui rejetaient d'emblée les gars blancs et ne recherchaient que des asiatiques. J'ai sorti avec un vietnamien d'ailleurs, et j'ai fais comme avec mon russe : je me suis intéressée à la culture de ses origines. Malheureusement, il avait ce complexe de ceux qui rejettent leurs origines, donc c'est surtout grâce à sa famille que j'ai pu découvrir de nouvelles choses. @La Tsarine a effectivement compris :
J'ai toujours fait ça. Contrairement aux amies auxquelles j'ai fait référence plus tôt, je ne rejette pas d'emblée ceux qui appartiennent à ma culture, mais je pense que la différence, peu importe la provenance des origines, pique ma curiosité et cette possibilité de nourrir ma faim insatiable pour l'enrichissement culturel est un facteur de séduction qui explique que j'ai fréquenté plus d'hommes dont les origines ethniques provenaient d'autres continents. Si j'avais tombé amoureuse d'un Portugais, j'aurais eu une passe lusophile à la place.
hahah c'est moi, cette maudite épaisse, si on remplace Saguenay par Québec lmaoo. Et pour vrai, j'ai fais mes preuves, le party animal qui m'a enseigné comment boire à la russe a dit à mon chum le lendemain de notre première veille qu'il me respectait, car j'avais pu le suivre :') QUÉBEC REPRESENT