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Le suicide français.epub


Purosangue
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L’univers mental de nos contemporains est un champ de ruines. Le succès intellectuel des sciences humaines détruisit toutes les certitudes. Comme l’avait deviné dès 1962 Claude Lévi-Strauss : « Le but dernier des sciences humaines n’est pas de constituer l’homme, mais de le dissoudre. » L’heure venue, le Marché s’emparera sans mal de ces hommes déracinés et déculturés pour en faire de simples consommateurs. Les hommes d’affaires sauront utiliser l’internationalisme de leurs adversaires les plus farouches, pour imposer la domination sans partage d’un capitalisme sans frontière.

La France sortie de 1789 avait consacré la victoire du peuple contre les aristocrates, de la raison contre la superstition, des hommes retrempés dans une virile vertu spartiate contre la domination émolliente des femmes dans les salons et à la cour.

La France sortie de Mai 68 sonnerait la revanche de l’internationalisme sur les nations, des juges sur la loi, de la féminité sur la virilité. Sur le moment, les meilleurs esprits s’aveuglèrent. Mai 68 fut une révolution inédite et surprenante : pour la première fois dans l’Histoire, les habituels perdants l’emportaient. Les anarchistes prirent leur revanche sur les staliniens, les libertaires sur les autoritaires.

En 1789, la bourgeoisie avait pris appui sur le peuple pour raccourcir une aristocratie voltairienne et cosmopolite ; après 1968, la nouvelle bourgeoisie internationaliste et libertaire tient un discours ouvriériste marxiste pour déloger l’ancienne bourgeoisie catholique, conservatrice et patriote. On passe par la lutte des classes pour une efficace sélection des élites ; on passe par Marx pour arriver à Pareto.

Jean-François Revel vit dans Woodstock la révolution des individus ; et dans les mouvements noirs, féministes et gays, la révolution des minorités. Il comprit que la conjonction des deux forgeait, dans les universités américaines des années 1960, ce politically correct qui balaierait la société traditionnelle et patriarcale. Ni Marx : en France, les révolutionnaires de Mai 68 utilisaient la langue marxiste, pour accoucher d’une révolution capitaliste. Ni Jésus : la quasi-extinction de la pratique du culte catholique accoucha d’un postchristianisme, une sorte de millénarisme chrétien sans le dogme mariant un universalisme qui vira au « sans-frontiérisme » et un amour de l’autre poussé jusqu’à la haine de soi. Un pacifisme absolu, tiré encore des Évangiles, se dénatura en un refus absolu de toute guerre, de tout conflit, de toute violence, associés à la virilité, par ailleurs dénoncée par les féministes comme coupable de tous les maux.

Sur le plan idéologique, la domination inédite des libertaires préparait le terrain aux libéraux. Les mouvements féministes annonçaient la fin du patriarcat ; le « il est interdit d’interdire », la mort du père et de toute autorité. Le triptyque soixante-huitard : Dérision, Déconstruction, Destruction, sapa les fondements de toutes les structures traditionnelles : famille, nation, travail, État, école.

Dans son roman Les Faux-Monnayeurs, Gide montrait les relations étroites entre la monnaie, la famille, la religion et la société. L’or est le référent suprême, comme le père dans la famille, comme Dieu. La mort du pair, c’est la mort du père et la mort de Dieu le père. C’est le temps des fils, des frères, du flottement des monnaies. Du désordre institutionnalisé. Le temps des faux-monnayeurs. « Les mots et les monnaies n’ont plus d’ancrage avec la réalité. Tout est artificiel, faux. Les mots sont comme des “billets à ordre” qui ont perdu leur valeur. Et comme on sait que la mauvaise monnaie chasse la bonne, celui qui offrirait au public de vraies pièces semblerait nous payer de mots. Dans un monde où chacun triche, c’est l’homme vrai qui fait figure de charlatan.

La victoire de la révolution passait par la mort du père. De tous les pères. C’était la condition indispensable d’une révolution réussie. Déjà, en 1793, la condamnation à mort de Louis XVI, comme l’avait noté Balzac, avait guillotiné tous les pères. Mais Bonaparte, avec le Code civil, avait remis le père sur son trône. De Gaulle avait même réussi, au bout de cent cinquante ans de tâtonnements institutionnels, à le remettre à la tête de l’État. C’est ce travail séculaire de restauration qui a été saccagé.

C’est à partir de ces années 1970 que le pédopsychiatre Aldo Naouri commença à voir les effets qu’avait sur les enfants la disparition progressive des pères dans la famille moderne. Revenant aux origines de l’humanité, Naouri prit peu à peu conscience que le père était une invention récente dans l’Histoire de l’humanité (trois mille ans, tout au plus) ; invention capitale pour interdire l’inceste et mettre un obstacle à la fusion entre l’enfant – être fait de pulsions – et la mère – destinée à satisfaire ses pulsions. Mais le père est une création artificielle, culturelle, qui a besoin du soutien de la société pour s’imposer à la puissance maternelle, naturelle et irrésistible. Le père incarne la loi et le principe de réalité contre le principe de plaisir. Il incarne la famille répressive qui canalise et refrène les pulsions des enfants pour les contraindre à les sublimer.

Sans le soutien de la société, le père n’est rien. À partir du moment où la puissance paternelle est abattue par la loi, le matriarcat règne. L’égalité devient indifférenciation. Le père n’est plus légitime pour imposer la loi. Il est sommé de devenir une deuxième mère. « Papa-poule », chassé ou castré, il n’a pas le choix. De Gaulle avait jadis écrit « qu’il n’y a pas d’autorité sans prestige ; et pas de prestige sans éloignement ». L’« autorité parentale » issue de la loi de 1970 est un oxymore. Le père est éjecté de la société occidentale. Mais avec lui, c’est la famille qui meurt. Quarante ans plus tard, les revendications en faveur de l’« homoparentalité » ne sont pas surprenantes : la famille traditionnelle l’instaure déjà puisqu’on ne prend plus en considération la différence sexuelle entre la mère et le père pour définir leurs fonctions et rôles respectifs.

La destruction de la famille occidentale arrive à son terme. Nous revenons peu à peu vers une humanité d’avant la loi qu’elle s’était donnée en interdisant l’inceste : une humanité barbare, sauvage et inhumaine. L’enfer au nom de la liberté, de l’égalité. L’enfer au nom du bonheur. Pascal nous avait prévenus : « Qui fait l’ange fait la bête. »

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Commentaires recommandés

J'aime bien tous ces pseudo-intellectuels, très bons orateurs, mais incapable de faire la démonstration empirique de ce qu'ils blablatent ou écrivent.

C'est ce que l'on appelle du vent, mais du vent de qualité.

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