Le Temps de Franco.epub
Là où une forme de délire se manifeste chez le futur Caudillo, c'est dans la rationalisation de l'inconduite paternelle. Pour Francisco, l'appartenance à la franc-maçonnerie explique les infidélités conjugales, l'ironie subversive, l'ivrognerie. A-t-il entendu cette fable dans la bouche de doña Pilar ou de son entourage ? A-t-il de lui-même échafaudé cette théorie de la corruption par la franc-maçonnerie de toutes les valeurs ? Il en fera la cause unique de tous les maux qui accablent la patrie depuis des siècles. Ce que la race était pour Hitler, la franc-maçonnerie le fut pour le Caudillo, jusqu'à la monomanie. Tard dans sa vie, il continuait d'établir des fiches, de réclamer des enquêtes, de compulser des listes, débusquant partout des francs-maçons.
Tout en accablant son père, cette théorie présentait l'avantage de l'exonérer en partie. Proie de la conjuration maçonnique, sa responsabilité personnelle s'en trouvait atténuée. Francisco pouvait le plaindre, sentiment qui le délivrait de sa culpabilité. Il y a donc bien une forme de démence chez le futur Caudillo, mais c'est la forme de délire la plus répandue, celle qui impute à un agent unique tous nos malheurs, celle qui voit dans d'obscures conspirations la cause de nos échecs.
Autant que la mésentente et la séparation de ses parents, la géographie et les influences du climat ont inspiré bon nombre de biographes. Sa réserve, son laconisme, ses ruminations, sa lenteur et sa prudence s'expliqueraient par ses origines galiciennes. Et chacun de citer l'anecdote que j'ai souvent entendu répéter à Madrid : " Si vous croisez quelqu'un dans un escalier et que vous n'arrivez pas à décider s'il monte ou descend, soyez sûr que c'est un Galicien. " Tous les Normands sont prudents, tous les Auvergnats avares, tous les Provençaux joyeux : on connaît le refrain.
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